mercredi 20 mars 2013

A propos de la traite clandestine

Pourquoi parlez vous de traite clandestine, alors que l'esclavage a perduré jusqu'en 1848 dans les colonies françaises ?

L'esclavage dans les colonies des Amériques, est né de la traite des esclaves noirs, transplantés de force et dans des conditions épouvantables d'Afrique aux Antilles. Cependant traite et esclavage ce n'est pas la même chose.

Au XVII° siècle ce sont des compagnies à privilèges comme la Compagnie du Sénégal qui avaient obtenu le monopole de l'introduction des esclaves, pour l'introduction desquels aux colonies, ils percevait une prime La traite clandestine à cette époque c'est le fait que des navires, en particulier Hollandais, ont introduit clandestinement des esclaves en violation d'un monopole concédé par le Roi. On appelait ce trafic, "l'interlope".

Au début du XIX° siècle, certains pensent que si on abolit la traite on va forcer le système esclavagiste à se transformer, puisque n'ayant plus les moyens de se procurer une nouvelle main d'oeuvre esclave à bas prix, on sera contraint de mieux traiter les esclaves.  C'est ainsi qu'une importante campagne en faveur de l'abolition de la traite a conduit le Gouvernement Anglais à interdire la traite en 1807.  Cependant l'esclavage va continuer dans les îles anglaises jusqu'en 1834, plus une période d'apprentissage de plusieurs années.

S'agissant des colonies françaises, l'esclavage a définitivement été aboli en 1848 sous la Seconde République . Cependant ce fut au terme d'un long processus.

L'esclavage a été aboli une première fois en 1794, le 4 février, (16 pluviose an III) par la Convention.

Mais dans la Colonie de Saint Domingue devenue Haïti, pressé par la révolte généralisée des esclaves, le Commissaire de la Convention Santhonax, a proclamé l'abolition de l'esclavage le 29 Août 1791.

L'abolition de l'esclavage  sera appliquée à la Guadeloupe. Puis c'est le drame du rétablissement de l'esclavage le 20 mai 1802, par Bonaparte alors Premier Consul et l'héroïsme de ceux qui se sacrifièrent à la Redoute de Matouba plutôt que de s'y soumettre. La même tentative de rétablir l'esclavage à Saint Domingue est un fiasco pour les français.


L'abolition de 1794 ne sera pas appliquée à la Martinique l'île ayant été prise par les anglais. La Martinique redevenue colonie française avec le retour d'un roi en France  a vécu une période de plus de 20 ans durant laquelle la traite a de fait pratiquement été abolie, car les anglais ont pratiquement fait cesser la production du sucre en fermant leur marché aux sucres de la Martinique, rendant inutile l'importation d'esclaves de traite, puis à partir de 1807 ont interdit la traite. Cependant l'esclavage lui n'a pas été aboli.  Les esclaves sont cependant devenus des "libres de savanes" ou "libres de fait". Ils doivent se débrouiller pour se nourrir eux même sur leur jardins à vivre, ou grâce à l'exercice d'un métier pour les "nègres à talent".

Le retour sous la domination française à partir de 1818, va s'accompagner, d'une féroce répression pour forcer les libres de savanes à retourner dans les ateliers de leurs anciens maîtres  et de la reprise de la traite négrière.

C'est durant cette période que vont éclater les révoltes les plus importantes comme celle du Carbet qui éclate le 12 février 1822 (voir le blog : http://revolte-du-carbet.blogspot.com/).

Alors qu'est cette traite clandestine ?  C'est la traite qui est pratiquée alors qu'en théorie elle est interdite.

Mais quand la traite a t' elle été interdite ?

Les Anglais on l'a vu ont décidé de l'abolition de la traite en 1807. L'abolition de la traite concernant la France c'est beaucoup plus compliqué. 

On doit partir du  Traité de Paris de 1814 après la première abdication de Napoléon. Là le plénipotentiaire anglais Lord Castlereagh a imposé à Talleyrand le représentant français la signature d'un protocole qui prévoit que "la France devra interdire la traite par ses ressortissants dans les cinq ans".  Le détail doit être discuté lors d'un congrès prévu à Vienne.

C'est le Congrès de Vienne qui débute en novembre 1814. C'est une grande conférence diplomatique ou se décidera le devenir de l'ancien Empire français par les vainqueurs qui doivent y redéfinir les frontières en Europe.  Ce congrès est aussi l'occasion de discussion sur d'autres questions dont la libre circulation navale ou et c'est ce qui nous intéresse "l'abolition de la traite des noirs".

L'abolition de la traite est inscrite dans l'alinéa 15 de l'article 118 du traité en discussion.

Que dit cet article 118 ?
"Confirmation des traités et actes particuliers.
Les Traités, Conventions, Déclarations, règlements et autres actes particuliers qui se trouvent annexés au présent acte et nommément : ...
15°  La Déclaration de Puissances sur l'abolition de la traite des nègres  du 8 février 1815 sont considérés comme parties intégrantes des arrangements du Congrès et auront la même force et valeur que s'ils étaient insérés mot à mot dans le Traité général."

Voilà donc ce qui fonde l'abolition de la traite.
Sauf que il n'y a pas eu de texte formellement  signé par la France.
Pourquoi ?

Parce que le 1° mars 1815 c'est le retour surprise de l'île d'Elbe en France de Napoléon, et le début des "cents jours". L' Europe tremble tandis que le Congrès se poursuit à Vienne jusqu'au 9 juin 1815,  les principaux plénipotentiaires ont quitté Vienne, quelques jours avant la fin des cent jours et  la seconde abdication de Napoléon du 22 juin 1815.  

S'en suit une période durant laquelle  on ne sait pas avec certitude si la traite a été abolie ou pas.

Un premier cas : le Louis.

Le premier cas qui va soulever cette question se présente très tôt début 1816, c'est celui du"Louis".
C'est un navire français parti de Martinique le 30 janvier 1816 pour un voyage de traite aller retour à la la côte d' Afrique. Il est saisi non loin du Cap Mesurade le 11 mars 1816 par un navire de la chasse Anglaise. Il embarquait alors 12 esclaves. Il est conduit en Sierra Léone. Cette saisie est effectuée conformément au traité franco anglais du 20 novembre 1815 et à la loi française qui déclarent la traite illicite.  Les armateurs français font appel et déclarent qu'à la date de la saisie la traite n'était pas encore abolie en France.  Les minutes de ce procès sont imprimées à Londres dans un document "Report of the case of the Louis, Forest, Master, Appelead from the Vice-Admiralty Court at Sierra Leone and determined in the High Court of Admiralty " daté du 15 décembre 1817.

Il y eu d'autres cas.  Une plainte de l' Amiral Anglais des îles sous le vent en date du 6 novembre 1816 indique qu'un navire français a importé 500 esclaves  vendus en toute impunité à la Martinique et que d'autres bâtiments y sont attendus.

Selon les minutes anglaises et le rapport publié en français à la Chambre des Communes "DE L'ETAT ACTUEL DE LA TRAITE DES NEGRES ...du 8 mai 1821. On trouve dans une lettre de Lord Casteragh du 8 mars 1817, qu'entre juin 1815 et octobre 1816, cinq bâtiments étaient entrés à la Martinique avec des esclaves de traite, qu'un brigantin Portugais l'Eleonora commandant Victor Debrito y avait importé 265 esclaves et que en outre plusieurs navires frêtés à Saint Pierre pour la traite étaient en mer.

C'est en 1817 qu'un texte français interdit la traite des noirs.

La traite illicite si peu clandestine après 1817.

Le rapport ci dessus indiqué contient en 85 pages un nombre impressionnant d'expéditions de traite, ainsi que de nombreux documents montrant qu'il ne s'agit en rien d'une opération réellement clandestine, car présentées comme des importations de mulets.

Elle sont parfois connues des autorités à Paris. Ainsi l'opération de traite du "Rodeur" capitaine Boucher de 1819. Elle a fait l'objet d'une description horrible et détaillée par la faculté de médecine de Paris, alors même que le Gouvernement français en nie l'existence aux autorités anglaises, car une aladie des yeux très contagieuse s'y est déclaré o bord et l'on a liquidé la quasi totalité de la cargaison esclave lors de la traversée. Ce navire reprendra une seconde traversée avec le même capitaine devenu borgne quelques mois plus tard.

Après le décret de 1817 interdisant la traite le rapport anglais signale plus de 13 navires négriers de Martinique et de Guadeloupe.  Entre 1819 et 1820 on en découvre entre 50 et 60 dont la "Jeune Estelle" Commandant Sanguines de Martinique. Dans le même temps plusieurs navures sont partis de Honfleur dont "la Valentine" avec 300 esclaves pour la Martinique mais aussi 'L'Eclair".  Les autorités françaises ferment volontairement les yeux cela ne fait aucun doute. Au Sénégal et à Goré on détourne allègrement la loi en opérant des ventes à l'intérieur . Même les employés nommément désignés du Gouvernement Français au Sénégal font de la traite.  Ainsi le cas du navire "Les deux soeurs" Capitaine DElomosne armé à Honfleur qui a apporté 150 esclaves à la Martinique. les autorités n'arrivent pa à trouver l'Armateur Monsieur Colin de Honfleur asocié à la maison Relouis que les anglais n'ont aucune peine à identifier.  Le même Commandant Delosmone commandera en 1820 "La Valentine" qui transporta 800 esclaves à la Martinique.
En 1819 la "Rosalie " armée à Honfleur débarque une cargaison à la Martinique.
Tandis que "La Sylphe débarque une carfaison à la Guadeloupe avant d'être saisie en 1819.

Un observateur signale aux anglais à la Guadeloupe, un débarquement de 60 esclaves à Port Louis le 1° décembre 1820. Il signale aussi les débarquement de "la Thétis"   de "l'Atalente" de "l'Adèle Aimé". Il désigne des négriers de la Guadeloupe, Segond souvent associé à Fox, ou à Rancé.

On trouve aussi des appels à la constitution de capitaux pour des opérations de traite opérés  quasiment au grand jour, à peine maquille t'on les opérations de traites des nègres en traite de mulets.

Et puis il y a ces nombreuses expéditions de traites à la Martinique signalées dans ce blog entre 1828 et 1831.

EN 1831 ON A ENFIN IDENTIFIER QUI PEUR ARRETER LA TRAITE : LES ARMATEURS

Une texte est  publié en 1831 il précise qu'à partir de sa dtae de publication ce sont désormais les armateurs qui seront condamnables du crime de traite avec condamnation aux galères si l'un de leur navire est convaincu de traite. Jusqu'alors seuls les capitaines et l'équipage étaient recherchés.  Cela change tout.

La traite négrière sous pavillon français cesse alors.

jeudi 26 février 2009

Un article écrit à deux mains

Cet article écrit a deux mains, celles de mon frère Hugues l'ethnologue, et les miennes Bernard l'économiste fut un véritable parcours initiatique. Nous avons voulu montrer comment des observateurs privilégiés, face à la mémoire enfouie au plus profond de nos anciens, ont parfois la chance de faire ressurgir des faits complètement oubliés, et d’en mesurer la véracité dans les sources écrites elles aussi enfouies sous des tonnes de poussière.

En comparant deux sources la tradition orale, et sa confirmation plus tard par des sources historiques écrites nous avons pu mettre à jour en 1972 dans la commune du Diamant à la Martinique, une mémoire encore persistante du dernier navire négrier clandestin arrivé en 1830 à la Martinique où il coula faisant de nombreux morts. Or cette mémoire s'était en quelques sorte télescopée avec le souvenir beaucoup plus récent de l'immigration de Congo à la Martinique entre 1858 et 1860 c'est à dire après l'abolition de l'esclavage qui dans les colonies françaises date de 1848.

Des observateurs privilégiés

Le dernier de nos frères est né au Congo où nous avons vécu enfants. Au Congo, on confiait la garde des enfants à de grands et de solides gaillards, souvent des chasseurs ou des guerriers, reconnaissables à leurs scarifications. A la Martinique où nous avons débarqué, petits enfants, c’est à des Da que nous fumes confiés. Etrange coïncidence, la première d’entre elles Anelta était descendante de Congo ! Ce sont elles qui nous ont fait connaître la richesse des traditions et le créole.

Enfants les grandes vacances au Diamant étaient le moment des grandes découvertes.


Le Pére Pinchon, éducateur et scientifique hors pair, avait su éveiller notre intérêts pour notre environnement. Au Diamant il n’y avait alors ni eau courante, ni route, ni électricité, et les maisons de l’anse Cafard où nous avions quelques amis pêcheurs étaient en torchis. Mais tout y était à découvrir.

Très jeunes nous avons été confrontés à la question de la dualité des sources historiques, les sources officielles écrites, et la tradition orale. Plus d’une fois notre père avec ses vastes connaissances est venu soit conforter soit infirmer les informations ou histoires recueillies auprès de nos Da ou de quelques uns des anciens des mornes du Diamant. Dans les années 50-60, nous nous y aventurions à la suite de Monsieur Samson, ou de notre ami Monsieur Bingue de la Taupinière qui habitait à deux pas d’un « cimetière Congo », comme nous le sûmes plus tard. Sa femme était en partie une descendante de caraïbes, les « anciens naturels du pays » comme on disait dans les registres de catholicité que nous avaient montré Emile Hayot, un ami de notre Père. Et pourtant certains persistaient à écrire que les caraïbes avaient tous été exterminés depuis la fin du XVII° siècle. L’arbre généalogique de la famille du député Ernest Deproge prouve le contraire .

Plus tard la révélation de la richesse et la complexité de la tradition orale nous est venue de nos expéditions avec Anca Bertrand une anthropologue d’origine roumaine qui avait adopté comme patrie la Martinique en épousant le peintre martiniquais Alex Bertrand. Nous avons enregistré des tambours dans les hauteurs du Diamant, filmé de la « Haute Taille » dans d’autres quartiers, enregistré, photographié sans cesse. Monique, sœur de maman, après avoir enregistré les « Fables Compére Zicaq » de Gilbert Gratiant, fut l’une des organisatrice de la première veillée mortuaire télévisée par l’ORTF sur l’habitation St Laurent au François. Il n’y avait pas eu de morts dans le créneau horaire syndical, aussi avait on fait appel à un simili mort. La veillée s’étant emballé, on avait oublié cet aspect particulier jusqu’au cri « Môa lé pisé, môa ka lévé pisé »avait dit une personne en voyant l’acteur se lever pour aller aux toilettes. L’humour est fondamental dans la pensée créole. Cependant la grande découverte pour nous c’est l’archéologie et l’ouverture aux cultures amérindiennes en particulier dans le magnifique site du Diamant. Un peu plus tard notre père nous a fait le plus beau et redoutable des cadeaux en nous introduisant auprès des conservateurs des archives de la France d’Outre Mer, mesdames Ménier et Pouliquen. Elles nous donnent un large accès aux sources de la mémoire écrite.

En anthropologue de retour au Diamant

Bernard est parti en France à Grenoble puis à Paris. Il a obtenu grâce à notre père l'autorisation d'explorer les fonds des archives de la rue Oudinot, où se trouvent les fonds concernant la Martinique au XIX° et au XX° siècle. (Depuis elles ont été transférées à Aix en Provence).

Notre père pour éviter la contagion de mai 68 a décidé avec l’aide du Docteur Benoit, « Le voyageur lumineux », de m’exiler, moi Hugues à la toute nouvelle université de Montréal. J’y serai inscrit au département d’anthropologie. L’université organise la collecte des traditions orales, et en troisième année, me voici associé dans le cadre d’une bourse, à Gisèle Cultier la femme de notre ami le musicien Marius Cultier, pour aller à la Martinique collecter des traditions en langue créole pour le département de dialectologie dirigé par Gilles Lefbvre spécialiste du créole.

J’ai choisi comme terrain le Diamant qui n’a alors rien à voir avec la station touristique que ce bourg est devenu. Richard Price et Sally son épouse, anthropologues spécialistes des sociétés marrons avaient déjà travaillé sur la petite anse du Diamant. Je décide de me concentrer sur l’Anse Cafard, la Dizac, le bourg du Diamant, les hauteurs de Morne Blanc, le Morne Constant, la Taupinière et le quartier Médecin à Riviere salée. C’est à la boutique de Fofo que je suis présenté à Sébastien B. « Mi an kongo ki pé palé kongo baw » me dit Fofo . « Je sais que tu es de race blanche lui dit Sébastien vexé. Non, je suis de race caraîbe répond Fofo et il paya la tournée.

Me voici installé six mois en 1972 au Diamant, où après un long travail d’approche, la confiance se mérite, renouant avec de vieilles connaissances en faisant d’autres, j’enregistre veillées, comtes, histoires et évènements qui ont marqué la mémoire collective ancienne. Auprès des anciens, inlassablement j’enregistre leurs souvenirs, ce que leur ont appris leurs parents et parfois leurs grands parents. On me parla du naufrage d’un navire négrier au Diamant, de la guerre du Diamant et de la mort du Colonel Copens , de la Comète de Halley, du passage dans la baie sur les hauts fonds d’un sous marin durant la dernière guerre. Le professeur Lefbvre veut du créole ancien parlé par des anciens.

La mémoire du naufrage d’un navire négrier

J’ai appris en 1972 de la bouche d’un ancien de 90 ans de Fond Requiem, qui le tenait lui même du père de son père, qu’il y avait eu un naufrage d’un navire négrier là, me montra t’il dans la baie de l’Anse cafard. Il me dit qu’il y avait eu de nombreux morts noyés, mais aussi des survivants qui avaient été sauvés par les nègres de l’habitation Latournelle (Elle est devenue Habitation Dizac). A cet endroit quelques années plus tôt nous avions trouvé des formes à sucre en terre cuite. Etait ce le même navire ?

Le grand père de cet ancien dont j’estime la naissance entre 1815 et 1825 n’a pu connaître que du naufrage d’un navire de traite clandestine. De ce bateau je voulais tout en savoir. Il devait y en avoir des traces dans quelques archives. Je découvrirai un an plus tard les documents aux archives de la France d’Outre Mer (Série Martinique C 78). Ce navire de traite clandestine avait coulé le 8 avril 1830 à cet endroit. Ainsi je venais de faire le lien entre la tradition orale et les sources historiques écrites. Je découvris plus tard que Schoelcher en parla au chapitre XII de son ouvrage « De l’esclavage des noirs et de la législation coloniale » Paris 1833.

Dans ce carton je découvris le détail du naufrage de ce navire le 8 avril 1830. J‘avais entre mes mains les rapports détaillés sur ce naufrage en particulier les rapports d’un certain Boitel qui assurait l’intérim du Directeur de l’Intérieur. Son rapport est plus qu’accablant sur la responsabilité plus que probable des notables locaux tels Michel Hayot et Telliam Maillet propriétaires, et Dizac Géreur de l'habitation Latournelle à Dizac. Le brick qui va se fracasser a été aperçu vers midi. Il se dirige vers le Diamant et jette l’ancre à l’Anse Cafard vers 17 heure. La mer se lève fortement vers 23 heure et le navire dérape puis se fracasse sur les rochers. L’administration ne sera avertie que le lendemain. Les esclaves de l’habitation Latournelle n'ont pu sauver 26 hommes et 60 femmes. les fers aux pieds. On découvrira que ce navire avait embarqué 330 esclaves, durant les 4 mois du voyage, 70 avaient péri en mer avant l’arrivée au Diamant, sur les 260 arrivés au Diamant, 174 moururent ce jour-là, et seuls 86 survécurent.

Pour avoir montré trop de zèle monsieur Boitel, Directeur de l’Intérieur par Intérim mais en réalité Secrétaire Archiviste, sera conduit à quitter les Antilles à la demande des blancs créoles du conseil privé et sur ordre de l’Amiral Dupotet Gouverneur, pour « avoir reçu à sa table des hommes de couleur libres ».

Ce n’est que plus tard que des recherches furent conduites sur ce drame qui venait clore une longue liste de traite. Rien que dans les dernières années du trafic illicite on retrouva attestée l’arrivée de 8 navires négriers ayant débarqué et vendu leur cargaison : le 31 mai 1828, un navire négrier débarque 195 esclaves au Simon, commune du François, l’un des armateurs est monsieur Amédée Maillet. Le 4 novembre 1828, un navire négrier a débarqué, toujours au François, 395 nègres qui ont été vendus publiquement sur l’Habitation Hardy. Le 12 novembre 1828, près de 500 nègres sont débarqués à la Trinité sur l’Habitation Beauséjour. Le 25 novembre 1828, 212 nègres sont débarqués par le brick « L’entrepreneur » au François sur l’habitation Blampré. Le 4 décembre 1828, une nouvelle cargaison de 130 nègres est débarquée et vendue sur l’habitation Hardy. Le 10 décembre 1828, 200 nègres sont débarqués à Moulin à Vent au François. Le 13 décembre 1828, 180 nègres sont débarqués sur l’Habitation La Pointe. Le 5 janvier 1829, la goélette « La Folie » débarque 114 nègres au François toujours sur l’habitation Hardy. Et il y en eut d’autres souvent armés par des habitants et négociants de la Martinique à partir de Saint Thomas, puisque j’en ai trouvé deux autres l’un au Robert fin 1829, le Commandant de milice de Catalogne sera mis en cause et l’autre le naufrage d’avril 1830 à l’anse Cafard. Cette cargaison était probablement destinée à l’habitation Latournelle et peut être même à une autre habitation aux anses d’Arlet.

C’est avec émotion que je fis part de mes découvertes sur ce drame du 4 avril 1830 en premier lieu à ceux qui m’avaient informé. Ce fut à ce jour le dernier navire négrier illicite connu à la Martinique. Quelques années plus tard un artiste martiniquais Laurent Valère va ériger un monument face à cette épave pour ne pas oublier et c’est justice.

Une communauté de descendants de Congo.

Très tôt, je me suis rendu compte qu’il existe une communauté spécifique au Diamant, de familles des descendants de congo.

Je savais alors vaguement qu’il y avait eu à la Martinique une immigration africaine plus de dix ans après l’abolition de l’esclavage. Ceci m’est confirmé par l’abbé David qui a effectué des recherches sur le sujet qui m'indique que de fin 1857 à fin 1862 de nombreux convois ont débarqués ce que l'on appela des immigrants congos, mais qui en réalité ne fut que la poursuite d'une traite négrière, débouchant sur une libération contre un engagement de dix ans.

L'abbée David me donna alors accès à toute sa documentation et je consacre donc une importante partie de mon temps à étudier la généalogie de ces familles Congo remontant jusqu’au premier arrivé à la Martinique.

Ce faisant j’entre alors dans la partie la plus secrète de cette communauté, puisque la connaissance du nom et du prénom, souvent secret, m’offre, dans la pensée magique la possibilité de lancer toutes sortes de sorts si j’étais animé de mauvaises intentions. En étudiant la parenté, je me suis rendu compte rapidement que si l’endogamie du groupe des Congo existe au début, très rapidement le groupe se fonde dans la société créole, bien plus rapidement que les immigrants indiens semble t’il. Je recopie inlassablement les patronymes de ces familles. Retenu par quelque pudeur sans doute, je n’ai jamais terminé et publié ce travail pourtant très intéressant sur ces généalogies familiales.

Qu'était cette immigration Congo ?

Mes informateurs m’indiquent que selon les traditions familiales des familles congo, nombreux avaient été ceux de leurs ancêtres qui s’étaient retrouvés esclaves sans savoir pourquoi et avaient été racheté pour émigrer. C’est avec une grande émotion que j’en retrouverai la trace dans les nombreuses archives à propos de l’immigration Congo. Car c cette immigration est une opération organisée par le Gouvernement Impérial français (du second empire ) sous le contrôle attentif des autres puissances comme l'Angleterre et pour laquelle on a produit de nombreux rapports.

Le Gouvernement français avait tant fait pour justifier cette immigration et justifier cette reprise de ce qu’il faut bien appeler la traite, que l’on possède sur celle-ci de volumineux rapports aux archives de la France d’Outre Mer. Elles vont me permettre, quand je les consulterai en 1973-74, de vérifier ce que m’avaient dit mes informateurs : leurs ancêtres s'étaient bien retrouvés esclaves sans savoir pourquoi. On possède un document attestant sans conteste cela c'est le rapport de l’Enseigne de Vaisseau Gillet délégué du gouvernement à Loango (Source Archive Sénégal XIV D28).